Depuis le 24 février 2022, la Russie mène une guerre à grande échelle contre l'Ukraine. Depuis cette date, tous·tes les Ukrainien·ne·s ont vu leur quotidien bouleversé, et les associations n’échappent pas plus au conflit et ses conséquences. Nous sommes partenaires avec trois d’entre elles, Alternative-V, Union Forum et Stella qui font partie du réseau du volontariat européen l’Alliance auquel nous appartenons également. Pour les présenter rapidement :
- Alternative-V est une association fondée en 1992 dans le but de promouvoir la coopération entre les organisations de jeunesse, de soutenir et de développer la citoyenneté active au sein de la jeunesse ukrainienne. Cette association se situe à Kyiv.
- Union Forum est une organisation non politique, non gouvernementale, fondée à Lviv à l’ouest de l’Ukraine et avec plus de 20 ans d'expérience.
- Stella est une organisation fondée en 2013 dont l’objectif principal est d'offrir aux jeunes des opportunités de participer à divers projets de mobilité et de développement, ainsi que de promouvoir la participation active des jeunes à la société civile. Elle se trouve à l’est de l’Ukraine à Kharkiv.
Nous avons recueilli leurs témoignages pour savoir comment elles continuaient – ou non – leur activité de volontariat dans un pays en guerre, et à quels changements elles avaient dû faire face depuis plus de 3 ans. Pour ce faire, nous leur avons envoyé à toutes trois une liste de questions, afin de mieux appréhender leur vie au cœur du conflit.
L’un des axes majeurs était de savoir quel impact a la guerre sur leur travail en tant qu’ONG et comment leurs activités ont changé depuis février 2022. Le mot qui ressort dans tous les témoignages est « survie » : celle des personnes, et celle des structures. Stella confie que l’avenir de l’association a été incertain un long moment du fait de la proximité avec les conflits : « nous n'avons tout simplement pas travaillé parce que les membres de notre équipe essayaient d'échapper aux troupes russes qui attaquaient notre ville, Kharkiv. En d'autres termes, pendant les deux premiers mois qui ont suivi le début de la guerre, nous n'avons pas pensé au travail de l'organisation, mais nous avons essayé de survivre ». Comme le résume Alternative-V, ce sont « des menaces pour la sécurité tous les jours, y compris des menaces pour la vie, la santé psychologique et la menace de la destruction du bâtiment de l'organisation ; une diminution du nombre de volontaires envoyé·e·s, une quasi-élimination du nombre de volontaires internationaux accueilli·e·s ; un changement des priorités des jeunes, ce qui se traduit par une faible implication dans les activités de l'organisation ».
L’impact sur les salarié·e·s et volontaires
L’impact de la guerre sur les associations et leur fonctionnement est indissociable de celui sur la vie des salarié·e·s et des volontaires.
Au quotidien, Alternative-V décrit « un impact négatif en raison du grand nombre de jeunes qui ont fui vers des pays étrangers, ou qui ont été mobilisé·e·s, de l'interdiction de traverser la frontière pour les hommes de plus de 18 ans et de la diminution des conditions de vie en Ukraine. Les destructions d'infrastructures, les victimes humaines et les coupures d'électricité périodiques ont également un impact négatif sur notre vie quotidienne ». L’Union Forum et Stella quant à elles font état de vies « complètement changées » et « qui ne seront plus jamais les mêmes ». Si Alternative-V fait preuve d’optimisme sur le travail des membres de l’équipe, l’Union Forum et Stella mettent l’accent sur l’incertitude liée au futur, l’impossibilité d’établir des plans et se projeter, sur l’omniprésence de la guerre dans le volontariat et des gens qui meurent constamment.
Pour s’adapter à cette constante pression, les associations se sont maintenant beaucoup tournées vers une dématérialisation de leur travail. Toutes mentionnent une augmentation voire le passage total au télétravail, ce qui engendre inévitablement une dispersion des salarié·e·s. Nous leur avons aussi demandé combien de membres étaient resté·e·s en Ukraine et ce qu’ils/elles y faisaient. Malgré des conséquences variées, elles expriment une même conséquence : l’impossibilité de se retrouver en présentiel. Alternative-V explique « qu’un seul membre de l’équipe est constamment en Ukraine, soumis à des restrictions de voyage en raison de la loi martiale [tandis que] les autres travaillent pour la plupart à distance et combinent leur implication dans l’Alternative-V avec d’autres emplois à temps plein. Ils/Elles viennent à Kyiv de temps en temps pour des réunions importantes ou pour mener des activités s'il y en a ». L’Union Forum explique que « 3 des 4 employé·e·s sont présent·e·s en Ukraine, [mais qu’ils/elles] se voient peu pour autant » du fait du passage au travail en ligne, une situation similaire à celle de Stella.
Le télétravail a changé leur manière de fonctionner : moins de chantiers, plus d’événements en ligne, et une préparation des volontaires majoritairement à distance.
Malgré la guerre, les trois associations continuent à envoyer des personnes pour des projets à l’international. Alternative-V explique qu’il n’est possible d’envoyer en dehors du pays « que des volontaires, des femmes ou des hommes de moins de 18 ans, et celles et ceux qui disposent d'un document leur permettant de franchir la frontière » en raison de la loi martiale. Il s’agit pour eux/elles « peut-être de la seule chance de respirer une vie sans guerre et sans hostilités actives au moins pendant la durée du projet » (Stella), mais tous·tes n’ont donc pas accès à cet échappatoire.
En parallèle, Alternative-V et Stella rappellent que nombre d’Ukrainien·ne·s « se sont installé·e·s dans d’autres pays après le début de l'invasion russe à grande échelle » (Alternative-V) et « vivent à l’étranger en tant que réfugié·e·s » (Stella). Elles organisent donc aussi des volontariats depuis là où ils/elles se trouvent.
Ce temps pour souffler est aussi mis en péril « par la participation conjointe de représentant·e·s de l'Ukraine et de la Russie à des projets » dit l’Union Forum. En effet, « il est très difficile pour les participant·e·s ukrainien·ne·s de se trouver dans le même espace que des personnes qui soutiennent l'agression russe en Ukraine, qui soutiennent l'annexion illégale de territoires ukrainiens à la Russie, qui soutiennent l'importance secondaire de la langue et de la culture ukrainiennes, qui répandent activement l'histoire de l'Ukraine qui a été inventée par la Russie ». Cette proximité avec des volontaires non sensibilisé·e·s peut aussi rendre le volontariat plus ardu à organiser et à vivre.$
Activités actuelles
En plus des envois de volontaires, les trois associations continuent différents projets locaux. L’Union Forum explique que : « le déplacement forcé des populations des zones d'hostilités actives, a modifié nos activités. Il est devenu impossible de mener à bien nos projets habituels. Dans le même temps, le problème des animaux abandonnés dans la zone de guerre reste entier. Par conséquent, nos activités en Ukraine se concentrent sur l'aide humanitaire aux animaux de compagnie dans les zones de la ligne de front ». L’association Stella, quant à elle, explique s’être tournée vers l’envoi et le soutien de volontaires ukrainien·ne·s à l’international grâce à « des projets Erasmus+ et du Corps européen de solidarité car il n'est pas possible d'organiser des activités internationales dans l'est de l'Ukraine ». Elle « organise de nombreux événements en ligne concernant les projets auxquels l’équipe a participé (en tant qu'activités de diffusion), ainsi que des événements d'information sur la citoyenneté active, le volontariat et les opportunités pour les jeunes à l'étranger ». Elle cherche aussi à faire la promotion des activités de volontariat que propose l’association. Enfin, Alternative-V organise, elle, « des projets à court terme et chantiers internationaux de restauration et reconstruction, [toutefois ils/elles sont] confronté·e·s à certains défis dans le domaine financier, à des préoccupations de sécurité de la part des partenaires et à des difficultés de planification en raison de la guerre en cours ».
En résumé, elles essaient toutes de continuer à fonctionner du mieux qu’elles peuvent malgré les difficultés, les restrictions, et en essayant d’avoir un impact dans la guerre.
L’une des questions portait d’ailleurs sur leur vision de l’avenir et, là encore, toutes n’envisagent pas les choses sous le même angle. Les trois associations espèrent que la guerre sera bientôt terminée, et que la Russie « n'étendra plus ses ambitions impérialistes pour s'emparer de plus de territoires et arrêtera la colonisation et la destruction de notre pays (et d'autres pays également) (cf. Alternative-V) ». Toutefois, leurs sentiments divergent ensuite. Alternative-V s’accroche à cet espoir « grand et difficile à réaliser, mais qui compte le plus » de la fin de la guerre, parlant d’une « ère de barbarie révolue maintenant ». L’Union Forum explique de son côté être passée d’un sentiment d’impuissance et de peur totale à l’espoir quand « les troupes ont arrêté l’agresseur et les pays occidentaux ont formé la coalition de Ramstein », puis avoir observé « un étrange retard pris dans l’octroi d’une aide miliaire importante à l’Ukraine [et] des sanctions contre l’économie russe appliquées de manière très progressive ». Son espoir porte sur une « Ukraine indépendante qui serait en mesure de repousser l’agression de la Russie et de préserver son existence, que la classe politique et les citoyen·ne·s européen·ne·s se réveilleront de leur sommeil béat et prendront conscience de l'ampleur du danger qui menace l'ensemble du monde civilisé et puniront la Russie ». Elle dit ainsi avoir besoin d’aide « pour mettre fin à la guerre et rétablir la justice, savoir que les horreurs de l'agression russe ne se reproduiront plus, et permettre l’adhésion immédiate de l’Ukraine à l'OTAN ». Enfin, Stella explique que sa région, « l'oblast de Kharkiv, a beaucoup souffert des opérations militaires puisque les troupes russes ont occupé la moitié de la région. De nombreux·ses civil·e·s ont été tué·e·s, certain·e·s ont réussi à échapper à l'occupation, mais tout le monde a vu de ses propres yeux les horreurs de la guerre. Dans le même temps, il ne reste absolument rien de certaines villes qui ont été bombardées. Il s'agit d'un traumatisme à vie ». Elle dit comprendre « qu'à l'avenir, lorsque la guerre sera terminée, il faudra reconstruire les villes détruites et travailler avec les personnes dont la vie a été détruite par la guerre. Cela peut prendre toute notre vie ».
Dans cette perspective de construction de la paix dans laquelle notre association s’inscrit, il est essentiel d’être conscient·e· et de mieux prendre en compte les témoignages de ces associations ukrainiennes ainsi que le vécu des volontaires. C’est pourquoi il leur a été demandé de quel type d’aide et de soutien elles auraient besoin. Toutes veulent faire perdurer voire développer les relations avec les associations internationales avec qui elles font déjà du volontariat, afin d’envoyer et accueillir plus de volontaires. Pour les accueillir, Alternative-V évoque aussi « un besoin financier pour l’association et la diffusion des activités » qui serait bienvenu. Quant à l’Union Forum, elle explique qu’il faut pouvoir permettre aux volontaires accueilli·e·s sur des chantiers à l’international de parler de la guerre et non pas « éviter toute discussion sur la guerre de la Russie contre l'Ukraine pour se contenter de soutenir des conversations sur l'amour, la justice, l'égalité, l'écologie ».
Les trois associations insistent sur le caractère d’agression de la Russie envers l’Ukraine et font part d’une certaine détresse mais aussi d’une colère, à la fois pour les volontaires, pour elles-mêmes. Elles rappellent qu’on ne doit complaire ni s’habituer à la situation. Situation à laquelle, elles, ne peuvent pas s’habituer, étant donné qu’elles vivent dans un état de constante surveillance. Elles font preuve d’une importante résilience mais sont aussi réalistes quant à l’impossibilité de se projeter dans cette situation. Elles font de leur mieux pour continuer à fonctionner, ce qui dépend en grande partie de leurs liens avec d’autres associations, et l’Union Forum rappelle que « si nous parlons de soutien, nous avons besoin de plus de compréhension et d'empathie ». Dans un contexte où le conflit perdure et ne se voit pas arrêté, il est essentiel non seulement de recevoir ces témoignages mais d’entendre la parole d’Ukrainien·ne·s qui essaient toujours, par leur travail même, de construire la paix malgré tout.
En continuité avec cet esprit de co-construction de la paix, vous pouvez retrouver ici un enregistrement mené par Jean dans lequel des volontaires internationaux et des bénévoles ukrainien·ne·s locaux·ales ont travaillé ensemble en juillet 2023 sur un chantier de l’association Alternative-V, qui a réussi à organiser un projet international même en période de guerre.
Les volontaires ont restauré un village à Moschun, au nord de l’Ukraine, à environ 30 km de Kyiv, pendant deux semaines, et dans l’audio ils/elles livrent leur ressenti sur leur relation avec l’Ukraine, les raisons de leur participation à ce chantier et leur vision de l’avenir.
Au total, c’était un groupe de 11 volontaires (6 internationaux·ales et 5 locaux·ales) et la plupart des participant·e·s avaient plus de 30 ans. Le projet a été rendu possible grâce au soutien de l’association tchèque INEX-SDA et de l’association allemande IBG qui sont membres du réseau Alliance.
Alternative-V a décidé de mettre en place ce chantier en réponse à la forte demande de la communauté locale pour organiser un projet international. La majorité des volontaires étaient des personnes cherchant spécifiquement à venir en Ukraine pour apporter leur contribution.
Malgré la situation de guerre, Alternative-V a reçu de nombreuses candidatures et l’équipe a choisi de réaliser des entretiens avec les candidat·e·s afin de s’assurer de leur motivation réelle et de leur préparation psychologique. Une préparation préalable a été organisée : les volontaires ont été sensibilisé·e·s aux défis psychologiques possibles et averti·e·s que ce projet serait mentalement éprouvant.
En termes d’activités, les volontaires ont mené des travaux de construction, de rénovation et de nettoyage à Moschun, ainsi que de nombreux ateliers culturels avec les habitant·e·s. Ils/elles ont également fait quelques sorties et excursions à Kyiv, visité un festival et une association locale.
Pendant le chantier, des séances de réflexion ont été organisées pour permettre aux volontaires de partager leurs ressentis.
De nombreux moments de partage ont eu lieu avec les habitant·e·s locaux·ales, qui souhaitaient s’exprimer et raconter ce qu’ils/elles avaient vécu. Par conséquent, une grande synergie est née entre la communauté d’accueil et les volontaires. Les habitant·e·s ont invité les volontaires chez eux/elles et avaient le désir de partager la culture ukrainienne à travers les ateliers de cuisine par exemple.
Une connexion particulière s’est créée avec les habitant·e·s, et des changements importants ont été observés dans leur attitude, car ils/elles ont vu que des personnes venues d’autres pays s’intéressaient à leurs histoires et les venaient écouter et travailler ensemble. Pour les volontaires internationaux, ce projet a donc permis de créer des ponts et de contribuer à la construction de la paix à leur petite échelle.
Le projet Jeunesse et Nature est un moyen pour Solidarités Jeunesses de sensibiliser les jeunes de 12 à 18 ans aux enjeux de la protection de la biodiversité, ainsi que de leur donner les moyens d'agir dans les lieux et territoires où notre association est présente.
Rejoins-nous dès le 29 février pour le lancement de notre saison de volontariats. En 2024, alors que de nombreux défis nous attendent à l'échelle nationale, continentale et mondiale, Solidarités Jeunesses se positionne comme un catalyseur de transformation. Des projets de 10 jours à 1 an en France et à l'international t'attendent. Mets tes valeurs en action et deviens un moteur de transformation collective et individuelle.